Des sagas mp3 et de YouTube

Il y a quelques temps, @podshows postait un nouveau message sur Twitter pour évoquer la relation entre la fameuse plateforme YouTube et les podcasts ou sagas mp3.

Ce n’est un secret pour personne, je n’apprécie pas beaucoup les plateformes de streaming et YouTube encore moins, spécialement quand il s’agit des sagas mp3. Et si je ne connais que très peu l’univers des podcasts, je pense tout de même que les critiques que je pourrais faire au sujet de la sagasphère le concerneraient également. Alors pourquoi est-ce YouTube ne serait pas adapté à la diffusion de sagas mp3 ?

D’abord et avant tout parce que YouTube est une plateforme de partage de vidéos. Oui, cette idée mérite largement d’être rappelée à tous. Parce que l’image est au cœur de cette plateforme, tout a été fait pour la privilégier. Alors que la sagasphère est un univers qui se passe justement de l’image, publier sur YouTube nous pousse de nouveau à lui donner de l’importance. Aussi bien lors de la création d’un nouveau contenu que de sa publication.
Cela modifie également la façon dont l’internaute interagit avec notre contenu. Une plateforme de streaming musical comme Soundcloud tient justement compte de ces notions. Il est par exemple possible de naviguer au sein du contenu de ce site tout en poursuivant l’écoute d’un morceau choisi. Ce qui évidemment n’est pas le cas sur YouTube où le spectateur se doit d’être attentif aux images. Je sais que les sagas mp3 sont moins sensibles aux pertes d’attention de l’auditeur que les feuilletons radiophoniques grâce à la différence de mode de diffusion mais celles qui en tiennent compte bénéficient d’un certain avantage. Et cela vaut également pour la plateforme de diffusion retenue. Cela dit, le simple ajout d’une image sur Youtube ne retiendra personne. Il faut qu’elle soit animée pour vous accrocher, autrement on se retrouve habituelle pour la diffusion d’un contenu audio sur internet.

Mais pour être honnête, ces détails sont de moindre importance face à ce qui me dérange le plus : la centralisation des informations sur YouTube. Comme me le faisait remarquer à juste titre Horine sur Twitter, les créateurs doivent aller au devant de leur public. Je le comprends et je ne reprocherai jamais aux auteurs de la sagasphère leurs chaînes YouTube. Cependant, cette attitude révèle deux choses dérangeantes.
La première concerne les auditeurs qui deviennent monstrueusement fainéants. Il faut que tout puisse être trouvé sur ce site et ils ne doivent pas en sortir. Plus que l’utilisation d’une plateforme non adaptée, je trouve ce manque de courage enferme plus qu’autre chose. Il faut que chaque format se trouve une utilisation spécifique. Pour autant, je ne suis pas contre le fait de détourner un usage si celui-ci convient mieux. Ce qui m’attriste est que ce choix paraisse avant tout être celui de la faiblesse, pas celui de l’adaptation. Et il s’agit également d’une étrange injonction faite à ceux qui produisent du contenu. Venez à moi car sinon je ne viendrai pas à vous. Il est pourtant si facile de se déplacer sur internet…
La seconde attitude qui me déplaît parfois sur YouTube — ou Facebook également — est qu’un nombre toujours plus grand de nouveaux créateurs sur ces plateformes gigantesques s’y enferment. Je comprends bien que ces prisons dorées sont nettement bien plus faciles d’accès que nombre de systèmes de blogs et que toutes les offres d’hébergement mutualisées réunies. Je trouve cependant regrettable l’appauvrissement d’Internet qu’elles causent. Comment alimenter un agrégateur de flux RSS ou de podcasts avec une page Facebook ? Comment extraire ses épisodes de YouTube si l’on trouve tout à coup bien mieux ailleurs ? Où puis-je créer une liste de questions fréquentes sur ma chaîne ? Je fais des mini-jeux pour PC et j’aimerais les faire découvrir à mes auditeurs, Facebook pourra-t-il me les héberger ? Si la multiplication des façons d’accéder à la connaissance ou la culture sont à louer, je trouve fort dommage que certains se laissent parfois enfermer dans ces systèmes.

Voilà pourquoi je maintiendrai que publier des sagas mp3 sur YouTube n’est sans doute pas la meilleure des idées. Et même si je connais les défauts des moyens plus classiques de diffusion sur internet, ce sont ces derniers que je continuerai à soutenir car ceux-ci ne vous enferment pas. Ou moins.

De la rentabilité des sagas mp3

Quand on a une pelle, on peut s’en servir pour deux choses. La première, fort utile en cas d’invasion zombie, c’est pour filer des coups avec et si possible dans la tronche. La seconde, fort utile dans tous les autres cas, pour déblayer. Cette semaine, c’est le topic « La rentabilité des sagas mp3 » ouvert par King Kadelfek — créateur de la saga éponyme — qui crée l’agitation sur Netophonix. Et qui a donné à certains l’envie de se servir d’une pelle. Dans ce billet, je vous propose plutôt vous d’en user pour ôter la poussière qui s’accumule depuis plus de deux ans sur ces chroniques pingouinesques.
Mais plutôt que de tenter de creuser dans les dernières directions prises par le topic dont je vous parlais plus haut, je vais tenter de réfléchir sur la rentabilité des sagas mp3 comme j’aurais pu le faire juste après le premier message de King Kadelfek. Il est probable que je fasse référence à plusieurs choses qui ont déjà été dites là bas, il est certain que je vous renvoie à d’autres topics du forum vert mais mon objectif ici est avant tout de vous proposer une réflexion indépendante de toute tension et qui se suffise à elle même autant que possible.

Avant de commencer à réfléchir sur ce sujet apparemment épineux, un petit point s’impose sur ma personne. Aujourd’hui administrateur sur Netophonix, je suis impliqué dans la vie de la communauté de ce forum depuis quasiment son ouverture et c’est par le prisme de ses membres et des créateurs qui y passent que je forme ma vision de la sagasphère. Je ne suis pas non plus créateur et même si je fréquente plusieurs très régulièrement, je reste avant tout auditeur et il est probable que je ne saisisse pas parfaitement tous les enjeux qui s’offrent à eux aujourd’hui. La réflexion que je vais donc vous proposer ne représentera sans doute qu’une certaine partie des idées qui peuvent être envisagées sur le sujet.

Et justement, une chose qui m’avait frappé sur la première page du topic était que personne ne revenait à la définition d’une saga mp3. A la lecture du titre du sujet, une réflexion était immédiatement née dans mon esprit : une saga mp3 est une histoire sonore réalisée par des amateurs et proposée en ligne gratuitement. En cela, j’ai sans doute été influencé par le souhait de Netophonix de se focaliser avant tout sur ces créations gratuites. Mais la définition exacte d’une saga mp3 — que vous pourrez retrouver sur le NetoWiki et qui était issue d’un consensus des membres du forum en 2009 — ne fait pas mention de ce point, à juste titre. Cette gratuité est l’héritage du choix fait par Pen of Chaos pour sa propre saga mp3. Il n’y aucune raison pour qu’un créateur qui décide soudainement de monétiser sa création ne puisse pas se revendiquer de ce mouvement. Après tout, les histoires d’Antoine Rouaud qui avaient été créées pour PRUN’ ou celles de David Uystpruyst que l’on ne peut télécharger et où il nous est offert d’acheter une version CD sont communément admises comme faisant partie de la sagasphère. Se poser alors la question de la rentabilité des sagas mp3 ne me paraît pas anormal.
Alors, les sagas mp3 sont-elles rentables aujourd’hui ? La totalité de celles actuellement connues étant gratuites et diffusées sur des sites dont les revenus publicitaires ne reviennent pas aux créateurs lorsque publicité il y a, je crains que l’on ne puisse répondre par l’affirmative. Concernant les produits dérivés, seul Pen of Chaos semble parvenir à tirer son épingle du jeu et à vivre de son univers. Pour quelques autres, cela ressemble plus à un petit bonus de fin de trimestre. Quant à tous ceux qu’il reste, il s’agit avant tout d’amortir le matériel utilisé pour la création d’un petit quelque chose également amateur et prévu pour petite poignée de fans. Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur la façon dont on peut brasser de l’argent dans l’univers gratuit des sagas mp3, je vous conseille la lecture du billet de mon collègue Johnny, « Le monde (capitaliste) des sagas mp3 ».
Si nous avons maintenant la preuve que l’on peut vivre de l’univers d’une saga mp3, est-ce que l’une de ces créations audio parviendra-t-ell à devenir rentable par elle seule ? Difficile de répondre à cette question sans se prendre pour madame Soleil. Cela dit, si un créateur parvient à obtenir les droits nécessaires sur les musiques utilisées dans son travail, rien ne devrait l’empêcher de pouvoir monétiser sa création. Pour avoir moi-même acheté les CD de David Uystpruyst, je sais qu’il y a déjà un petit public prêt à dépenser quelques sous au sein de la sagasphère pour autre chose qu’une bande dessinée ou un t-shirt. Mes discussions avec les différents auteurs ayant tenté une expérience du genre me font cependant dire qu’il risque tout de même d’être extrêmement difficile d’en vivre. Mais les créateurs intéressés par la chose semblent en être plutôt et paraissent plus intéressés par un élargissement de leur auditorat que par un retour sur investissement financier. Pour l’instant. Et si vous mêmes êtes curieux de leurs réflexions à ce sujet, je vous renverrai sans peine à une petite liste de liens que j’avais regroupés pour King Kadelfek.

Mais tout ceci est limité à une vision purement mercantile d’un univers qui en est encore très éloigné. La sagasphère est avant tout un milieu motivé par les plaisirs simples de la création et de son partage. Créer une saga mp3 reste encore un hobby pour la majorité des créateurs qui ne rencontrent le succès que par un hasard qu’ils n’ont jamais pensé provoquer. Mais le temps, l’argent, le travail et l’inspiration réunis sur ces créations sonores ne pourraient-ils pas être rentables autrement ? C’est là que mon simple statut d’auditeur commence à me faire défaut. Cependant, à force de fréquenter des créateurs, je crois bien pouvoir affirmer sans me tromper que rien de ce qui a été investi par ces faiseurs n’a été perdu. Pour certains, ce fut le déclenchement d’un parcours professionnel. Pour beaucoup, une belle aventure humaine à vivre. Solitaire ou avec leurs comédiens, fans, web-master… Et pour tous ces autodidactes, ce temps perdu est surtout devenu une belle somme de connaissances techniques supplémentaires qui participe à leur enrichissement personnel. Ainsi qu’à l’enrichissement de leur imaginaire, ce qu’ils partagent avec nous autres auditeurs. En fait, il n’y a que l’argent qui n’a pas été regagné. Mais n’est-ce pas là le propre de toute passion d’amateurs ?
Pour ma part, j’ai aussi investi pas mal de temps sur des projets sagasphériques qu’il s’agisse de sites, d’émissions, de déplacement dans des conventions, des concerts, des IRL ou d’autres choses encore… J’y ai parfois perdu mes nuits, j’y ai quelques fois gâché ma bonne humeur, j’y ai souvent perdu mon porte monnaie. Mais j’y ai gagné tellement d’autres choses en contrepartie. Cela ne m’a pas rempli le frigo mais j’y ai appris bien des choses qui me sont encore utiles aujourd’hui. Et j’y ai rencontré des gens formidables qui m’auraient manqué autrement. Alors oui, je pense que pour tout cela la saga mp3 est rentable.
J’avais hésité à poster ces idées sur le topic de King Kadelfek. Je ne l’ai pas fait, constatant que la discussion partait à des années lumières de ces préoccupations. Principalement du fait de l’initiateur du sujet, un peu à causes des réponses lui étant faites. J’ai désespéré de voir quelqu’un éventuellement se rapprocher de cette réflexion. Finalement, Xuè est parvenue à la placer plutôt à propos dans ce message. Sans doute trop tard pour que la discussion s’y attarde à nouveau. Dommage. Mais si jamais vous vous êtes reconnus dans ce que je disais plus haut ou si vous avez envie d’enrichir le passage de votre propre expérience, n’hésitez pas à vous exprimer dans les commentaires.

La saga mp3 est donc plutôt une bonne expérience personnelle. Sauf que le temps étant de l’argent (c’est bien connu), c’est tout autant un sacré gouffre financier. Rien qui ne soit pas évident en fait. Après, si l’objectif est réellement de faire de l’argent alors la réponse ne viendra sans doute pas de la très adolescente sagasphère, peu au fait de ces histoires là. L’expérience d’autres univers plus mûrs — comme le sont ceux de la web-BD ou de la web-série — sera certainement plus utile. Chose dont semble parfaitement conscient King Kadelfek étrangement. S’il cherchait à nous questionner sur le sujet, il a paru sourd à nos réflexions. S’il cherchait à nous convaincre, c’est raté tellement ses explications sont peu claires. La vraie question reste cependant de savoir pourquoi il n’a pas tenté l’expérience lui même dans ce cas. Il ne l’a pas fait et les raisons de ce choix étrange sont sans doute une autre histoire…

D’une certaine vision de la sagasphère

Il y a sans doute une façon de concevoir la sagasphère par personne s’y intéressant. Et encore, chacune de ces personnes aura peut être une vision floue qui variera en fonction des contextes. Pour ma part, je cultive une certaine conception de la façon dont les projets sont conduits au sein de la sagasphère. Une partie de cette vision est issue d’une discussion à laquelle j’avais participée sur le forum de la communauté de Thurm et de l’expérience que j’ai acquise au cours de mes pérégrinations au sein de la sagasphère sur plusieurs années. Plusieurs années qu’il m’aura aussi fallu pour me décider que cette vision était réaliste dans le contexte des sagas mp3.

Je suis un libriste convaincu. Pas forcément totalement sur l’aspect logiciel mais plutôt du côté de l’échange de données et pour le partage du savoir. Parce qu’il me semble que par dessus tout, les idées n’appartiennent à personne et que vos données, ce que vous créez, ce que vous possédez doit pouvoir circuler avec un minimum de contrainte. Que certains aspects techniques avantageux puissent parfois être contraignants est acceptable mais il ne faudrait pas qu’un quelconque autre critère entrave cette circulation des idées. Voilà une des principales notions du librisme.
Et c’est une vision que l’on retrouve dans la sagasphère. Même si cela est nettement plus visible depuis l’apparition de Netophonix et de son forum entièrement consacré à toutes ces recettes, il y a toujours eu un échange facile et ouvert autour des sagas mp3. Beaucoup de créateurs, s’ils ne publient pas forcément toutes ces informations sur leur site, ne rechignent pas à expliquer quelle technique ils ont utilisé à tel endroit d’un épisode, quelle a été la meilleure technique pour un certain effet, à discuter d’un point de scénario avec un auditeur, etc. Et de la même façon, ce ne sont pas des projets de logiciels de montage/enregistrement/mixage qui sont échangés entre un créateur et les personnes avec qui il travaille mais des fichiers utilisant des formats plus simples mais surtout plus ouverts. Ce n’est pas tant par militantisme que pour l’aspect pratique (besoin d’échanger entre de nombreux logiciels différents, peu de moyens pour choisir une solution payante, multi-plateforme, etc.) mais au moins, le résultat est là. Et je doute que tous ces acteurs seraient prêts à revenir en arrière. C’est de cette façon que la sagasphère avance depuis 10 ans. C’est la façon par laquelle chacun peut apprendre à créer une saga mp3. C’est à la fois une façon d’être qui découle de l’amateurisme ambiant et des choix qui ont été faits par les premiers rassemblements de créateurs précurseurs du genre.
On pourrait aussi rapprocher tout cela de la façon dont les épisodes ou monos sont distribués mais je ne suis pas sûr que cela soit le cas dans la pratique. Ce que je constate depuis plusieurs années, c’est que tous ces fichiers sont mis en ligne sans la moindre connaissance des notions de droit d’auteur ou de partage libre. Ou sans le moindre intérêt pour ces idées le plus souvent. Il y a bien quelques exceptions mais ce sont des cas assez peu nombreux au final.

Le pendant de cette vision sur l’échange des données concerne la façon dont les projets sont menés dans la sagasphère. Ici, il s’agit tout de suite d’une considération beaucoup plus personnelle des choses, la gestion de projet n’étant pas forcément un truc très représentatif de la sagasphère. Mais il existe quelques projets suffisamment importants pour s’en rapprocher et quelques sagas se créent parfois avec des idées proches.
Nous sommes donc dans un univers collaboratif où peuvent se constituer des équipes pour travailler sur un projet commun. J’apprécie le rôle d’un chef de projet capable de motiver son équipe, de la sortir d’une impasse par la prise d’une décision malgré les dissensions ou de la représenter lorsqu’il s’agit d’endiguer l’ire de quelques uns. Mais, et c’est là que réapparaît cette vision « libre » des choses, ce n’est pas celui qui est le moteur du projet. Pour moi, la vie d’un projet communautaire vient de l’équipe qui la constitue. Chacun de ses membres, sur un pied d’égalité, participe aux réflexions et prises de décision. Cela correspond bien à la sagasphère parce que nous sommes une communauté de passionnés et qu’il nous arrive souvent, en fonction de l’évolution de notre temps libre, d’être absents ou de ne pas pouvoir participer activement. Ainsi, la répartition du pouvoir évolue toujours en fonction des personnes présentes et suit aisément le système de méritocratie qui animé la majorité des communautés virtuelles.
Cette façon de penser et d’organiser les choses est cependant moins facile à mettre en place qu’il ne paraît. Outre le fait que certaines personnes sont plus dirigistes que d’autres, ce système a tendance à souffrir beaucoup plus facilement d’un manque d’une personnalité forte ou d’une volonté commune forte. Le webzine MagP3 est probablement le plus bel exemple sagasphérique de tout ce qui peut foirer avec ce genre de système : des tensions qui ont suivi une sensibilité exacerbée et un dirigisme parfois perçu comme déplacé avec des répercussions se traînant sur plusieurs mois et visibles sur de nombreux espaces publics au manque global et presque effarant de volonté de ses animateurs… Malgré tout, cette façon de se concerter me semble être efficace si la communication interne est correctement appliquée. Sur internet, la communication asynchrone reste reine et ce modèle est celui qui m’y semble le plus adapté.

Comme je le disais en introduction à ce billet, ces deux idées majeures découlent de mon expérience et de certaines de mes envies. Je serai donc ravi de recueillir vos avis à ce sujet. Est-ce que tout cela vous semble réaliste? Est-ce que dans les faits vous avez constaté des choses différentes? Bref, essayons de comprendre un comment fonctionne la sagasphère.